Portrait de Laurie
Laurie est une jeune psychomotricienne de 10 ans d'expérience.
Elle a beaucoup travaillé dans le milieu de l'autisme. Aujourd'hui, elle
travaille dans une unité de diagnostic de l'autisme et troubles apparentés dans
le 93. C'est cette expérience qui a motivée notre souhait de l'interviewer.
Je suis
diplômée de la Pitié Salpêtrière depuis 2005. Durant mes études, j’ai été
secrétaire d’une association « Psychomotricité En Action » et je suis
partie un mois et demi mener un projet humanitaire dans un orphelinat roumain.
Cela a été mon premier contact avec des enfants souffrant d’autisme, de carences
psycho-affectives, parfois atteints de polyhandicaps. Cela a totalement guidé
mon parcours professionnels ensuite. J'ai tout d’abord travaillé un an dans un
IME et IMPro pour enfants et adolescents autistes. La longue distance de mon
lieu de domicile a motivé mon changement et j'ai alors eu l’opportunité
d’intégrer en 2006 l'équipe d'un Hôpital de Jour pour enfants autistes. Après
avoir rencontré des adolescents autistes, l'idée de prise en charge précoce
m'intéressait. Cela correspondait bien avec le projet du chef de pôle et
responsable de l'hôpital de jour.
Un an
après, en 2007, j'ai intégré l'équipe
d'une unité de dépistage précoce des TED, 6 mois après sa création, une matinée
par semaine.
Puis en
2008, un poste à mi-temps s'est libéré en CMP. J'ai saisi cette opportunité,
tout en continuant un mi-temps à l'hôpital de jour.
En
2014, l'unité de dépistage s'est agrandie et a déménagé dans un hôpital de
l'AP-HP. J'ai alors quitté l’hôpital de jour pour investir la création d’un
poste à mi-temps.
« Question révélation » :
Comment avez-vous découvert la psychomotricité ? Quel a été le déclic vers
votre parcours professionnel ?
J'ai
connu ce métier assez jeune grâce à ma mère qui était institutrice, elle en
parlait parfois, mais j'avais une idée assez vague de ce que cela pouvait être.
Plus tard, je voulais faire des études de psychologie. Mais j'étais aussi douée
en sport et mes professeurs me parlaient de faire STAPS. La psychomotricité est
au final une bonne combinaison des deux.
J'ai eu
aussi l'idée de me diriger vers la kinésithérapie. Au travers de la prépa, j'ai
découvert que je pouvais me présenter à d'autres concours notamment celui de
psychomotricien. Déjà , je commençais à désinvestir l'idée de kiné au profit de
la psychomotricité. J'ai passé plusieurs concours et réussi celui de
psychomotricité et d'ergothérapie. J'ai fait le choix de la psychomotricité.
Pleins !! Mais surtout, je rêvais d’être archéologue.
J’admirais Indiana Jones. J'ai aussi pensé aux études de droit. C'était soit
prendre soin des gens soit les défendre.
« Question madeleine de
Proust » : Quel est votre premier souvenir de professionnel ?
C’était
à l’IME, avec Laurence, une éducatrice spécialisée d’expérience. C’était mon
premier poste en tant que professionnelle. Celle-ci m'avait un peu prise sous
son aile. Elle est aujourd'hui devenue une amie. A l'époque, nous voulions
construire un groupe thérapeutique avec nos ados/pré-adultes autistes de 20
ans. Avec ma collègue, nous les avions emmenés sur un terrain vague dans l'idée
de constituer tout un « parcours physique ». Je nous revois tous
courir et rire !! Je crois que nous prenions autant de plaisir qu'eux.
D'un point de vue émotionnel c'était très fort, d'autant plus que ces jeunes
étaient très malades et nous vivions avec eux des choses difficiles dans le
quotidien. Pour certains, l'arrivée dans cette institution, à 16 ans,
constituait un premier lieu de soin et de socialisation.
« Question effet domino » :
Quelles formations complémentaires avez-vous suivies ?

Dans le
cadre de projets institutionnels j’ai été formée au PECS, au PEP, Ã
l'utilisation des pictos, Ã l'ADI, l'ADOS.
J’ai
aussi suivi une formation aux notions de structurations psycho-corporelles avec
Benoit Lesage.
En
2013, je suis diplômée du bilan sensori-moteur André Bullinger, après 2 ans de
formation à Lille.
« Question Madame Soleil » : Ou
imaginez-vous être dans 10 ans ? Quels sont vos projets futurs ?
Si je
reste en région parisienne, je souhaite continuer à travailler dans le 93, pour
la variété et la richesse de rencontrer différentes cultures. Le travail d’ethnopsychiatrie m'intéresse beaucoup, je souhaite creuser cela en termes de
formation dès que possible. J'en apprends beaucoup au contact de familles et patients de
différentes cultures. Leur regard et croyance concernant la maladie sont
parfois aux antipodes de nos perceptions occidentales et parfois très
différentes d’une ethnie à une autre. Cela nous apprend à considérer chaque
patient dans son cadre socio-familio-culturel sans présupposition et dans une
remise en question permanente de nos modèles occidentaux. C'est également un
choix pour le service public, sa mission, l'accès au soin pour les personnes
qui n'en ont pas les moyens. Même si le travail peut être parfois difficile avec les
traumatismes que peuvent rencontrer certaines familles.
« Question savoir-faire et
savoir-être » : Quelles sont les qualités requises qui
selon vous seraient primordiales pour la pratique de votre métier ?
La
remise en question. L'auto-dérision. La patience. L'empathie bien sûr. Le
dynamisme. L'esprit d'équipe. Pouvoir se laisser désillusionner. L'écoute de
l'autre et l'ajustement à l'autre.
« Question transmission » : Que
conseilleriez-vous à un étudiant se préparant à faire le même métier ?
De
profiter des études, notamment de ce qui est de la pratique, de les vivre Ã
fond. Dix ans après mes études, j'aurais envie de les revivre à nouveau avec
mon expérience actuelle.
Je
conseillerais également de se lancer, ne pas avoir peur et d'être indulgent
avec soi-même. Prendre le temps de découvrir et rencontrer les patients en
stage. Se laisser surprendre, et ne pas hésiter à faire des stages avec des
populations que l’on envisageait pas du tout.
« Question éternel retour du
lundi» : Pouvez-vous nous raconter votre journée type au travail ?
Je n'ai
pas de journée type. Chaque journée est différente, entre le CMP et l'unité de
dépistage des TED.
Au CMP,
je reçois des enfants en séances individuelles toutes les ¾ d'heure avec ou
sans leurs parents. Je reçois les parents tous les mois ou 2 mois pour faire le
point. Je fais aussi des consultations en binôme avec les référents de la
famille (psychologue ou pédopsychiatre) lorsque cela s’y prête. Je souhaite
prochainement monter un groupe thérapeutique. Sur chaque lieu, une fois par
semaine, l’équipe se rencontre lors d’une réunion de synthèse.
A
l'unité, mon emploi du temps change tout le temps. Je peux faire des premières
consultations en binôme ou des bilans. J'accompagne aussi les parents quand ils
assistent aux évaluations derrière le miroir sans tain. Je fais parfois le lien
entre les familles et le service d’hospitalisation de jour pour les examens
somatiques.
Je
passe beaucoup de temps au téléphone avec les partenaires de soins qui suivent
déjà ou vont suivre les enfants. Ceux-ci sont conviés à venir assister aux
passations de bilans. J'ai des temps de rédaction, de réunions en équipe. Nous
rencontrons les partenaires de réseaux et participons à un travail de
sensibilisation auprès des professionnels de santé. Je rencontre aussi mes
collègues des CRA et participe à des groupes de travail sur l'autisme.
« Question intello » : Quel
est le titre de votre mémoire de DE ? Ou peut-on vous lire ou vous
retrouver ? Quels sont les ouvrages fondamentaux selon vous à lire ?
Le
titre de mon mémoire : « Psychomotricité, temps mieux ». Il
s'agissait du récit du travail avec une petite fille présentant une déficiente
intellectuelle, au sein d'un groupe thérapeutique dans le cadre de son
admission en EMP. J'avais alors axé ma réflexion sur les difficultés
spatio-temporelles, le travail autour de la temporalité, du rythme.
J'ai
participé à la rédaction d'un article avec l'unité de dépistage des TED, publié
dans la revue « Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence ».
J'ai
écrit sur ma pratique, présenté ce travail dans le cadre du séminaire de notre
intersecteur qui a lieu tous les deux mois. Ceux-ci sont rassemblés
dans une revue pour les professionnels de l'inter secteur appelé « Inter
Eux ».
« Question gourou » : Qui a
été pour vous un mentor dans votre parcours professionnel ?
Pourquoi ?
Michel,
mon maître de stage de 3ème année, devenu un ami cher. Il m'a mis sur le devant
de la scène avec déjà des responsabilités et une autonomie pour proposer des
médiations aux patients. Il avait pour moi une position de supervision et de
regard extérieur. Il m'a permis de découvrir des médiations passionnantes avec
les enfants, par exemple l'équithérapie. Il m'a fait confiance, m'a laissé l’opportunité
de parler de mon travail avec l'enfant auprès des parents et des
professionnels.
« Question choisir c’est
renoncer » : Quelle est votre médiation de
prédilection ?
« Choisir
c'est renoncer » ? Mais c'est MA phrase fétiche !! Comme
outil de prédilection je dirais : la toupie géante et le plancher. Comme
médiation, le jeu spontané. Comme approche sensible et manière de regarder
l'enfant, la sensori-motricité.
« Question manège Ã
sensations » : Quelle a été votre expérience corporelle
mémorable ?
Une
expérience de tyrolienne géante près du lac d'Annecy... L'impression de sauter
d'une montagne !!!
« Question sky is the
limit » : Quel avenir envisagez-vous pour la psychomotricité ?
Une
expansion de notre profession avec de plus en plus de postes. Il existe encore
beaucoup de services où il n'y a pas de psychomotricien. Je pense aux services
pour personnes âgées. J'ai l'idée aussi que la psychomotricité peut davantage
sortir aussi du champ du handicap.
J'envisage
une meilleure reconnaissance et revalorisation de notre profession. Notre
métier n'est pas suffisamment reconnu. Dans la fonction publique, en convention
hospitalière territoriale, nos salaires sont les moins attrayants en
comparaison des conventions 51, 66, du privé ou du travail en libéral.
« Question inavouée » :
Quelles questions aimeriez-vous que l’on vous pose ?
J'aurais
imaginé comme question : « Avez-vous une anecdote illustrant un moment
difficile ? » J'en ai plein. Des moments de violence. Par exemple la
morsure d'un enfant, un patient que tu veux aider mais qui t'attaque dans ton
propre corps. Ou lorsqu’un enfant est tellement mal, qu’il hurle et que tu
n’arrives pas à le soulager. Cela renvoie à un important sentiment
d’impuissance qui n’est pas toujours facile à vivre. La contenance
institutionnelle est alors primordiale.
« Question « les cordonniers sont
les plus mal chaussés » » : Quel
est pour vous votre « comble du psychomotricien » ?
D'avoir
mal au dos. D'être maladroit. Moi je suis de moins en moins maladroite,...mais
j'ai de plus en plus mal au dos !
« Question survie » : Quel
est l’objet indispensable du psychomotricien ?
La
grosse toupie !!! Elle est magique… elle offre tellement d’appuis
corporels, que des enfants très agités peuvent en quelques instants devenir
calme et s’engager dans une relation de qualité.
« Question balle Ã
picots » : Quelle anecdote rigolote en clinique pouvez-vous
partager ?
À
l'Hôpital de jour, en séance avec un enfant, pendant un temps de relaxation. Je
berçais l’enfant dans un drap accroché en hamac… et il s'est complètement
endormi. Je l'ai posé au sol, il ronflait !!! Ce petit bonhomme de 4-5 ans
ronflait tellement fort !!!! Je me
suis assise parterre à côté de lui, j'ai
fermé les yeux, et j'avais très envie de dormir moi aussi !!!
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